Est-ce qu’un nourrisson peut avoir une crise existentielle ? Est-ce qu’on peut rire de Dieu, de la mayonnaise et de l’amour parental dans un même souffle ? Et est-ce qu’Amélie Nothomb avait prévu qu’un jour son roman métaphysico-burlesque serait adapté… en film d’animation ?
Eh bien, oui. Et c’est un petit bijou étrange, drôle et profondément touchant qui s’est matérialisé sous le titre : Amélie et la métaphysique des tubes.
Dès les premières secondes, on comprend qu’on est dans un autre monde. Celui du Japon des années 70, vu à hauteur de couette. L’animation mélange pastels flottants, textures presque artisanales et une voix off intérieure — celle d’Amélie-bébé, incarnation improbable d’une mini-déité capricieuse et lucide.
Elle croit être Dieu. Puis elle découvre le chocolat blanc. Et tout s’effondre. Ou plutôt… tout commence.
On suit donc cette petite Belge expatriée, version mini-Nothomb, qui observe le monde avec une ironie déjà acérée. On passe de l’extase silencieuse au rejet du monde, du rire intérieur au traumatisme du pot de chambre. Le tout avec une poésie déroutante et une tendresse qui ne tombe jamais dans le mièvre.
Ce film ne fait pas dans l’animation facile. Il ne cherche pas à plaire aux enfants. Il câline l’absurde et caresse le tragique avec une plume trempée dans le thé vert. Les adultes sensibles y reconnaîtront les vertiges de la pensée qui naît, les colères absurdes d’un bébé lucide, les premiers liens au monde. Et, évidemment, cette manière bien belge de prendre l’existence très au sérieux… sans jamais cesser de se moquer de soi.
Adapter un roman d’Amélie Nothomb, c’est déjà un défi. Mais le faire en animation, c’est un pari fou. Et pourtant, ce film réussit à capturer ce que le livre avait de plus insaisissable : ce mélange d’autodérision, de vertige philosophique et de comédie intime.
La narration alterne moments suspendus, silences lourds de sens et petits éclats de rire subtils. On sent que chaque plan a été pensé comme une miniature — un tableau de la conscience en train d’apparaître. C’est étrange, oui. Mais c’est du grand art.
Ceux qui aiment Amélie Nothomb, bien sûr.
Ceux qui veulent un film d’animation intelligent et contemplatif.
Ceux qui cherchent à rire doucement, sans éclats mais avec le cœur.
Ceux qui n’ont jamais compris pourquoi on appelait les bébés “anges”… et qui, en sortant, auront peut-être une idée.
Envie de rester dans l’univers Nothomb ? (On vous comprend.)
Relisez Stupeur et tremblements, regardez Tokyo Fiancée, ou… partez vous balader dans un jardin japonais près de chez vous, pour prolonger la contemplation. Oui, il y en a un à Hasselt, et il vaut le détour.
Et si vous aussi vous vous êtes déjà demandé si vous étiez Dieu avant de découvrir le chocolat… vous avez trouvé votre film.