Je ne sais pas vous, mais parfois j’ai envie de tout plaquer. De fuir le bruit, les écrans, les notifications. Partir au fin fond d’une forêt, avec un couteau suisse, quelques bouquins de Noam Chomsky, et mes gosses, si j’en avais.
Ben, le père de famille de Captain Fantastic, l’a fait.
Et franchement, c’est à la fois dingue, beau et un peu flippant.
Ben (joué par Viggo Mortensen, barbe de prophète, regard intense, corps sec de type qui grimpe aux arbres pour réfléchir) élève ses six enfants au cœur des bois. Pas de télé, pas de McDo, pas de réseaux sociaux. À la place ? De l’escalade au petit-déj, des débats philosophiques au dîner, et des entraînements intensifs pour survivre sans dépendre de personne. Les enfants sont brillants, curieux, polyglottes. Ils connaissent l’anniversaire de Noam Chomsky mais pas celui du Père Noël. Autant dire : ils sont prêts pour tout, sauf… le monde réel.
Et quand la mère décède, tout bascule. La famille se lance alors dans une odyssée un peu foldingue à bord d’un vieux bus, en quête d’une cérémonie d’adieu et d’une forme de vérité.
Captain Fantastic, c’est un uppercut au confort, une invitation à questionner tout ce qu’on croit normal : école, éducation, consommation, normes sociales. C’est aussi un film sur le deuil, l’amour, le doute, et cette ligne floue entre l’utopie et le délire contrôlant.
Parce que Ben, malgré sa sincérité, n’est pas un héros lisse. Il est parfois trop radical, parfois dur, parfois perdu lui aussi. Et c’est ce qui rend le film si juste : il ne juge pas. Il pose la question sans donner la réponse.
Chaque enfant de cette tribu est un petit monde, une personnalité en construction. Et tous sont brillamment interprétés, notamment George MacKay (Bodevan), tiraillé entre la forêt et Harvard. Les moments où ils s’opposent à leur père sont parmi les plus forts du film.
Visuellement, c’est magnifique. Les paysages américains sont captés avec une lumière presque spirituelle. La bande-son est subtile, folk, presque chamanique. Et le scénario alterne avec brio entre rire, tension, émotion. Tu souris, tu respires, puis tu pleures (oui, à un moment, j’ai failli renverser ma bière sur mon clavier).
Captain Fantastic, c’est un road-movie existentiel, une leçon de vie qui ne fait pas la morale, un film qui réconcilie nature et complexité humaine. Un film qui donne envie d’aimer mieux, d’écouter plus fort, et peut-être de couper son téléphone pendant 24h.
(Enfin… après avoir terminé cet article, bien sûr.)
Titre : Captain Fantastic
Réalisateur : Matt Ross
Sortie : 2016
Durée : 1h58
Avec : Viggo Mortensen, George MacKay, Samantha Isler, Annalise Basso
Distinctions : Prix de la mise en scène à Un Certain Regard (Cannes), nomination à l’Oscar du Meilleur acteur