Lire Amélie Nothomb, c’est comme entrer dans une conversation où tu n’as rien demandé mais où tu ne peux plus décrocher. Il y a des chapeaux, des dialogues aiguisés comme des sabres japonais, et un humour qui frôle la cruauté. Parmi ses (nombreux) romans, Stupeur et tremblements est sans doute le plus frappant, le plus personnel, le plus hilarant aussi, dans cette façon très Nothomb de rire en serrant les dents.
Amélie, personnage et autrice à la fois, débarque dans une grande entreprise japonaise pour y bosser. Avec, au départ, des étoiles plein les yeux et une volonté de fer. Spoiler : ça se passe un tout petit peu moins bien que prévu. En fait, elle se prend le mur du choc culturel en pleine figure. À chaque page.
Les codes sont rigides, l’humiliation est structurée, et la hiérarchie est une sorte de pyramide de la terreur où elle glisse doucement mais sûrement vers les couches les plus basses. De cadre prometteuse à distributrice de papier toilette, il n’y a qu’un pas. Et elle le fait avec une grâce toute nothombienne.
Le génie du roman, c’est qu’il n’est jamais misérabiliste. Oui, elle est humiliée. Oui, elle est traitée comme un chiffon humide. Mais c’est raconté avec un humour glacial et dévastateur, une lucidité mordante, et cette façon unique qu’a Nothomb de transformer l’absurde en or littéraire.
Et au fond, ce n’est pas qu’un livre sur le Japon. C’est un livre sur la résilience, sur la perte d’illusions, et sur le fait de rester soi-même dans un monde qui voudrait te réduire à un rôle, à un silence, à un uniforme.
Parce que c’est le roman qui l’a révélée à un large public, qui a marqué les lecteurs, et qui condense tout son style : autobiographique sans filtre, burlesque sans tomber dans la caricature, introspectif mais toujours accessible. Et franchement : ça se lit comme une comédie noire. Tu ris, tu grimaces, tu hoches la tête. Tu tournes les pages comme on déplie un mauvais souvenir un peu trop bien raconté.
Titre : Stupeur et tremblements
Parution : 1999
Prix : Grand Prix du roman de l’Académie française
Adapté au cinéma : Oui, avec Sylvie Testud (très bon film, d’ailleurs)
Pages : Peu. Mais marquantes.
Style : aussi direct qu’une baffe administrative.
Si tu ne l’as jamais lu, fonce. Et si tu l’as déjà lu, relis-le : on oublie parfois à quel point un roman court peut contenir autant de lucidité, d’autodérision et d’intelligence.